version sept 18
 
En Votre Compagnie                                       

De quoi rêvent les pingouins ? se présente dans le paysage artistique de cette édition du festival comme un spectacle nécessaire et onirique, formidable fable écologique. Toujours avec beaucoup de douceur, En votre compagnie dessine les contours fragiles d’un monde qui se meurt, alertant avec une poésie rare sur la nécessité urgente d’agir. Pièce à l’esthétique et à la scénographie exceptionnelles, elle invite le spectateur à interroger sa relation au vivant. Une femelle pingouin, dans un laboratoire, se confronte par le biais des expériences d’un savant ridicule à toute l’absurdité du monde des hommes. Que se passe-t-il lorsque cette dernière, finit même par refuser de couver cet oeuf ? Qu’est-ce que cette action nous dit de l'état du monde et de notre relation en tant qu’humain à la biodiversité ? Voilà que la bascule s’opère et nous plonge dans cet univers brûlant de poésie, aux lumières délicates et à la bande son saisissante. Véritable ode à la nature et à sa protection, l'homme apparaît toujours comme le prédateur, celui qui au milieu de la beauté vient prendre et détruire ce fragile équilibre. Une épopée onirique et troublante.
La banquise se brise, les océans ne sont plus ces lieux paisibles, voilà que les filets se dressent pour saisir et capturer des parties de ce monde déjà tant exploité. Du laboratoire aseptisé au Grand Nord, en passant par les fonds marins, De quoi rêvent les pingouins ? interpelle et se positionne comme un formidable outil de pédagogie et de discussion. Un écrin de douceur et de poésie, servi par le jeu des comédiens, des bruitages et surtout des marionnettes saisissantes. Un spectacle à l’esthétique irréprochable qui nous plonge par le biais d’un astucieux jeu d’échelle et de matière autant dans une véritable contemplation qu’une profonde réflexion sur le vivant. Ne passez surtout pas à côté de ce spectacle brillant. Il est nécessaire d’agir, le temps manque, De quoi rêvent les pingouins ? peut être cette prise de conscience, ce point de départ pour les plus jeunes comme pour les plus âgés. On en sort marqué et surtout époustouflé.

Julia Vidal / Avignon Festitv 



Les nuits d’hiver parfois, nous réchauffent

Nous sommes constamment inondés d’images sur nos écrans, des assiettes gastronomiques, des faits divers, des chats, des chutes, des clash…Nous nous noyons dans ces microformats, ersatz de réalité qui se superposent et finissent par se confondre. Perdu dans cet océan, la question de notre rapport au vivant, de la biodiversité outragée, au mieux nous échappe, au pire nous déprime ou nous angoisse. J’ai souvent envie de fermer les yeux… Mais ce soir de décembre, au théâtre de la Maison du Peuple, j’ai retrouvé le plaisir des images soignées, de l’intelligence sensible en cherchant à ressentir de quoi rêvent les pingouins ?

Tenant le cap, malgré la tempête sanitaire et sociétale, Cécile Guillot-Doat et Jean-Marie Doat nous emmènent en leur compagnie pour un voyage singulier en arctique. Ce spectacle est une installation vivante d’arts visuels. Le premier tableau, dans le blanc du laboratoire, esquive la représentation manichéenne du savant fou et destructeur. Le savant est juste un homme, obsédé par sa recherche et ses manies, incompris qui ne comprend rien. Il nous apparaît dans toute sa fragilité, nous nous amusons de ses péripéties et il nous est finalement sympathique, un Hulot de labo.

Dominer la nature et l’animal ? La tentative de domestication est transcendée par le recours à la marionnette, le rapport entre le manipulateur et l’animal-objet qui s’anime, révèle son âme, son souffle vital essentiel. Une magnifique chorégraphie s’engage alors entre le savant, son assistante manipulatrice, et la femelle pingouin, une course absurde, emportée par le rythme de la machine. Cette allégorie de notre société postindustrielle est tout entière ramassée dans cette variation marionnettique et animale des temps modernes. Le langage symbolique résonne avec nos références culturelles, les images au plateau appellent la superposition de nos imaginaires collectifs et personnels. Tandis que peu à peu le décor se fracture comme la banquise, les éléments se disloquant et se reconstituant sans cesse, nous passons de la fascination pour la beauté visuelle à la montée de l’angoisse sourde de la catastrophe inéluctable.

La vie est fragile et nous perdons le contrôle. Est-ce la femelle pingouin qui ne veut plus pondre, ou notre humanité qui semble avoir choisi de ne plus prendre soin de la vie ? Arrivé à ce point de bascule, le spectacle nous entraine sur une voie singulière et inattendue. Pas de culpabilisation, de pédagogie ou de didactique mais une rêverie. Une succession de jeux d’échelle, de cadrages, de lumières, met en scène les pingouins dans l’arctique et à travers eux, toute la beauté du monde sauvage. La scénographie est superbe et envoutante. Ce voyage onirique nous rappelle à notre sensibilité profonde, notre culture ancestrale qui finira par se matérialiser dans le rituel chamanique de la reconstitution d’un œuf, terre-mère. Ce spectacle est une invitation à retrouver le chemin sensible, le voyage intérieur, la transcendance qui nous révèle que prendre soin du vivant c’est surtout prendre soin de nous-même. Ce mode de rapport au monde est essentiel à notre humanité. Il n’est pas enfoui si profondément dans nos pulsions consommatrices puisque des artistes peuvent le révéler en brisant la glace.

Romain Mericskay

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On va à un spectacle de Jean-Marie et Cécile Doat, comme à une fête pour partager des moments d’intenses et belles émotions.

Ainsi à quelques jours de Noël, petits et grands, venus nombreux au Théâtre de la Maison du Peuple de Millau, ont pu rire et trembler au gré des aventures d’un jeune pingouin, devenu le temps du spectacle initiateur d’imaginaire, pour nous sensibiliser à l’urgence de sauver la nature et la biodiversité.

Dès le début du spectacle, s’opère la magie. Devant la maladresse et la drôlerie de ce petit pingouin, marionnette attendrissante ; admirablement manipulée par Cécile Doat, les rires des enfants fusent − spontanés – accompagnés de ceux de leurs parents tout aussi enchantés.

Quant au savant illuminé (interprété par Jean-Marie Doat) sa gestuelle et sa voix robotisées en font un personnage de film muet, générant autant de rires que son pingouin rescapé.

C’est donc en artistes que Cécile et Jean-Marie Doat − eux qui ont parcouru tant d’océans − s’engagent pour dire la fragilité du vivant et l’urgence qu’il y a à agir pour sauver la planète. Pour cela ils ont choisi le théâtre et se sont entourés de leurs meilleurs compagnons de route : Frédéric Stoll à l’accompagnement vidéo, son, lumière, robotique, Amandine Doat à la mise en jeu et à la chorégraphie, Nicolas Carrière à la création univers sonore.

Toutes ces sensibilités artistiques ont travaillé de concert pour un spectacle allégorique parfaitement réussi parce qu’il laisse grandes ouvertes les portes de l’imaginaire et de la poésie sans lesquelles il n’est pas de monde possible à sauver.

Claudette Lavabre spectatrice.


Programmé dans le cadre de l’événement Noël à Bonnefoy, De quoi rêvent les pingouins ? a su nous enchanter par cette plongée loufoque et poétique dans un univers en lien avec le froid polaire. Les tentatives désespérées de domestiquer le sauvage font échos à l’absurdité de notre monde moderne.  Une traversée sensible, drôle et décalée, au cœur du vivant, dans un scénographie épurée qui laisse place à l’imaginaire.

 Solène BERNAT / Espace Bonnefoy Toulouse