Deux sœurs jumelles, dont l’une des deux s’éloigne pour ne pas étouffer et qui revient ranger les affaires de sa sœur juste après sa mort.
Nous voulions des rires pour brûler quelques colères au sujet de nos boulimies de consommation, et nous sortons touchés au cœur pour être entré dans la confidence d’une solitude qui se réalise déjà à la seule lecture de ses tickets de caisse.
Lorsque nous avons découvert les premières versions du texte d’Eric, entre rires et émotion, c’est le parti pris de légèreté, d’images colorées, d’un spectacle mené tambour battant qui s’est imposé. Nous cherchions un contrepoint radical à la nostalgie, l’amertume, qui vient naturellement quand on parle de l’absence, de secret de famille pesant.
Est apparu avec Maria un personnage super positif qui dit avoir une pêche d’enfer, et qui se révèle peu à peu d’une grande fragilité, par un jeu de fissurations tramées en creux dans le très beau texte d’Eric.
Pour déjouer les éternelles problématiques de l’adresse au public dans un spectacle où la comédienne est seule en scène, Eric a dédoublé la parole entre ces deux sœurs.
Cécile-Maria établit une relation floue avec le spectateur. Elle parle au public pour le mettre dans la confidence de son histoire, mais s’adresse aussi beaucoup à elle-même, comme ces gens qui ne voient dans l’écoute de l’autre qu’un prétexte à reprendre le fil de leur monologue intérieur. La parole est tournée vers elle-même, renforçant le sentiment de solitude et de futilité, tout au moins au début du spectacle, avec les coups de gueule, de rage, lorsque tout chavire…
Cécile-Lisa s’adresse au fantôme de sa sœur, qu’elle tente de percevoir à travers les objets : une paire de chaussures abandonnée, un manteau et des cheveux accrochés sur le col, un congélateur multifonctions…
C’est curieux la fabrication d’un spectacle : nous voulions une chose, nous en avons obtenu une autre, et c’est tant mieux. C’est dans ce décalage que réside notre bonheur de ce compagnonnage avec l’auteur. Merci à lui de nous avoir amenés là où on ne pensait pas aller.
Jean-Marie Doat / Castres, le 5 juin 2005
Les tickets de caisse sont-ils des poèmes emplis d’espoir ?
Findus fait-il rêver à l’océan ?
Bonduelle donne-t-il un sens à l’existence ?
Nestlé adoucit-il les mœurs ?
Yoplait me rendra-t-il le bonheur perdu ?
Maria remplit sa vie comme un caddie,
à toute allure et sans compter.
Elle achète, passe son temps à acheter,
comble son vide avec des promotions.
Compenser plutôt que penser,
ingurgiter plutôt qu’imaginer.
Mon désir s’appelle pouvoir d’achat.
Je consomme donc je suis et j’ai tout
pour être heureuse.
Avoir pour être…
Peur de mourir ou peur de vivre ? »